La Grue cendrée

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Photo Jonathan Guillot

D’une élégance à l’état pur et d’un naturel sauvage, la Grue cendrée fait sans aucun doute partie des oiseaux les plus majestueux de notre monde. Bien que venant de contrées lointaines, elle n’est pas pour pourtant moins familière. Chaque année, elle nous rappelle que nous sommes aux portes de l’hiver, avec comme signal d’alarme, de grands vols en V se dégageant dans le ciel, accompagnés de « grous-grous » sonores et communicatifs. 

Il existe 15 espèces de grues dans le monde, toutes aussi étonnantes les unes que les autres. Nous nous limiterons ici à la Grue cendrée, bien connue de tous sous nos latitudes.

Description et critères d’identification

La Grue cendrée est le plus grand échassier d’Europe. Aussi étonnant que cela puisse paraître, de l’ordre des Gruiformes, les grues sont plus proches phylogénétiquement des râles, foulques et autres poules d’eau. Son allure est pourtant bien différente ! Avec ses 1,15m de longueur et ses 2m environ d’envergure, c’est un oiseau très grand qu’il est relativement facile d’identifier sur le terrain. La Grue cendrée a de longues pattes et un long cou étroit. Son plumage est gris-bleuté. Sa tête et le haut de son cou sont noirs et blancs. Le dessus du crâne est un espace de peau nue de couleur rouge.

En vol, son cou et ses pattes sont tendus ce qui la différencie des hérons même de loin, sa silhouette est assez typique. Les jeunes sont plus uniformes avec la tête et le cou aux tons unis, plutôt roux/brunâtre. C’est une espèce grégaire en migration et hivernage, que l’on retrouve en d’immenses groupes parfois de plusieurs dizaines de milliers d’individus. Ces regroupements forment alors des vols en V, qui s’étendent parfois sur une bonne partie de l’horizon, créant des lignes horizontales et se succédant à vitesse de croisière moyenne. 

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Photo Jonathan Guillot

Où voir la Grue cendrée?

L’espèce se reproduit dans le nord de l’Europe depuis la Norvège jusqu’en Russie, en passant par les pays de l’Est (Hongrie, Roumanie, Ukraine, Géorgie, etc.) et hiverne dans le sud de l’Europe jusqu’en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie principalement). Plusieurs grandes « routes » de migration sont connues dans le monde dont celle d’Europe de l’Ouest qui nous concerne tout particulièrement. A partir d’octobre-novembre les oiseaux migrent vers leurs quartiers d’hivernage et remontent vers mars-avril. C’est alors que de gros effectifs passent par la France où certains sites naturels sont désormais connus pour la présence de la Grue cendrée en période de migration (halte) et d’hivernage. Les sites majeurs incluent le Lac du Der, la Brenne ou encore les Landes.

Répartition géographique de la Grue cendrée en Europe : zone de reproduction de l’espèce (en rouge) et zone d’hivernage (en bleu).

Répartition géographique de la Grue cendrée en Europe : zone de reproduction de l’espèce (en rouge) et zone d’hivernage (en bleu).

Si vous voulez assister au spectacle, rendez-vous sur un des plus grands sites de transit et d’hivernage en France, le Lac du Der où des dizaines de milliers de grues sont dénombrées. Nous organisons chaque année un séjour ornitho au Lac du Der.

Il faut s’y rendre aux heures favorables afin de profiter des meilleures ambiances. Les oiseaux sont moins discrets à cette période, ils sont bruyants, communiquant entre eux, ce qui permet d’avoir une interaction intéressante avec l’oiseau. Cet oiseau est très élégant. Son panache, sa posture et ses parades (visibles même en hiver), sont autant d’attrait à rechercher pour faire vos photos. Les sauts en parades et les courbettes entre couples sont à figer lors des observations !

Comment approcher la Grue cendrée sans déranger ?

Pour faire de belles observations de cet oiseau magnifique sans le déranger, il faut rester à une distance suffisante de plusieurs dizaines de mètres. L’idéal est de se positionner dans un véhicule où derrière un obstacle afin de « casser » la silhouette humaine. Cet oiseau reste tolérant à une certaine distance. Si vous approchez alors que l’oiseau est en train de se nourrir, observez son comportement. Au moindre signe d’agitation, arrêtez-vous puis reculez doucement. Pour apprendre au mieux comment observer les Grues cendrées dans les meilleures conditions, il est recommandé d’aller sur le terrain avec un guide expérimenté.

Biologie de la Grue cendrée

  • Ecologie

En période de migration et d'hivernage, la Grue cendrée affectionne les zones ouvertes généralement cultivées où elle trouve une quantité de nourriture importante, notamment dans les champs de maïs. La proximité de l’eau pour les dortoirs semble prépondérante. En période de reproduction, elle recherche des milieux de landes humides, des marais d’eau douce peu profonds ainsi que des forêts marécageuses, entrecoupées de clairières dégagées. Cet oiseau de grande taille est capable de se déplacer sur de longues distances lors des migrations.

  • Comportement

La Grue cendrée est un oiseau généralement connu pour être en groupe. Il est sociable et grégaire en période de migration et d’hivernage. Également très bruyant durant cette période précise de son cycle biologique, sa présence en quantité parfois très importante (plusieurs dizaines de milliers d’individus) nous offre des spectacles mémorables. Lors des vols migratoires, cet oiseau décrit des V ou Y, pattes et cous tendus à des altitudes situées entre 200 et 1000m. On estime qu’environ 250 000 grues empruntent ce même couloir d’Europe de l’Ouest, celui qui nous est le plus familier, chaque année pour deux fois.

A contrario, elle est très territoriale pendant la saison de reproduction où les couples sont unis pour la vie. Elle est également connue pour ses parades nuptiales qui consistent à réaliser une sorte de danse en courbettes, saisie parfois d’objets divers jetés en l’air avec des sauts, les ailes ouvertes, des salutations et autres signes amoureux. Ce changement de comportement passant de l’instinct reproducteur à l’instinct grégaire nous laisse penser qu’il serait assez étonnant que les couples ne se quittent pas pendant les migrations, comment font-ils pour se retrouver parmi ces grands rassemblements hivernaux, parmi ces vacarmes ahurissants, parcourant des milliers de kilomètres depuis leurs sites de naissance et de reproduction ? Heureusement la nature garde toujours une part de mystère ! 

  • Reproduction et dynamique des populations

Après le temps dédié à la parade amoureuse et à l’accouplement qui s’en suit, la femelle pond généralement 2 œufs de couleur olive/fauve, tachetés de gris/brun. En cas d’échec, le couple peut effectuer une ponte de remplacement. Les œufs sont couvés pendant environ 1 mois par les deux adultes, les jeunes nidifuges se nourrissent sous la surveillance des parents pendant environ 70 jours avant de pouvoir prendre leur envol. La maturité sexuelle est estimée à environ 5 ans, parfois moins. Le couple niche toujours seul. Les jeunes restent avec leurs parents jusqu’à leur première épopée migratoire et jusqu’à la fin de l’hiver. C’est pour cette raison que l’on observe souvent à l’automne des adultes accompagnés d’un jeune (tête uniformément rousse), même sur les quartiers d’hivernage, ils restent unis la première année. La longévité maximale observée dans la nature serait de 26 ans !

  • Régime alimentaire

Chez beaucoup d’espèces d’oiseaux, le régime alimentaire diffère entre la période de reproduction et la période inter-nuptiale. C’est le cas de la Grue cendrée qui consomme principalement des animaux en reproduction (micromammifères, insectes, mollusques) et plutôt des végétaux sur le reste de l’année (jeunes pousses, graines, tiges, feuilles).

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Photo Jonathan Guillot

Statut juridique et de conservation de la Grue cendrée

L’espèce est protégée en France depuis 1967 et inscrite à l’Annexe I de la Directive Oiseaux et à l’Annexe II de la Convention de Berne. Au niveau de son état de conservation, elle est classée en Préoccupation mineure (LC) au niveau mondial et en Europe d’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). En France, l’espèce est classée en danger critique d’extinction en nicheur (CR) dû à quelques fragments de populations encore en place et en quasi-menacé (NT) en hivernant. Son statut de conservation est défavorable dans la région Auvergne (NT).

Catégories de l’UICN utilisées à une échelle régionale.

Catégories de l’UICN utilisées à une échelle régionale.

Évolution des populations

L’espèce avait beaucoup régressé jusqu’aux années 1970, depuis la Grue cendrée est en nette augmentation. Son statut de conservation autrefois défavorable en Europe avec un statut « Vulnérable » (VU) au début des années 90 est maintenant favorable, considérée en Préoccupation mineure (LC). Les effectifs ont considérablement augmenté durant les dernières décennies passant d’une population Européenne comprise entre 52.000 et 80.000 couples dans les années 90 à plus de 200.000 couples aujourd’hui. Les comptages réalisés chaque année sur des sites comme le Lac du Der en France prouvent bien que les effectifs sont en hausse. Les gros dortoirs historiques ont tendance à éclater, créant alors de nouveaux quartiers d’hivernage (petite Camargue par exemple). 

Menaces potentielles

La Grue cendrée peut être dérangée par l’homme sur ses zones de nidification, ce qui influe sur les taux de reproduction alors peu élevés. L’espèce est moins dérangée sous les latitudes russes, les espaces sont grands et l’homme y est moins fréquent. Quelques prédateurs naturels ont déjà été identifiés, c’est le cas du Renard roux. Le problème des collisions avec les lignes électriques ou les éoliennes est aussi une menace potentielle. Bien évidemment, l’assèchement des zones humides souvent par extension des cultures et l’emploi massif de pesticides peuvent entraîner une réduction des effectifs, localement.

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Photo Jonathan Guillot

Recherches et études sur la Grue cendrée

Étant donné que l’espèce est en augmentation, de nouveaux sites de nidification et d’hivernage sont à trouver. Il serait judicieux de maintenir les suivis, voire de les intensifier afin d’avoir une idée plus précise du nombre de couples nicheurs en France et ailleurs. Des études sont à améliorer ou à développer, concernant la dispersion des oiseaux nicheurs ou les échanges entre les différents sites d’hivernage qui plus est depuis que l’on assiste à un éclatement des dortoirs. Est-ce une stratégie de colonisation en vue d’étendre les zones de nidification possibles ? 

Thibaut
Guide Salva Fauna


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